Une banque italienne qui accepte des meules de Parmigiano Reggiano comme garantie de prêt
Écrit par Admin le 19 octobre 2025
Une pratique peu commune mais bien réelle
Dans la province de Reggio Emilia (région Emilia‑Romagna), la banque Credito Emiliano (souvent abrégée « Credem ») a mis en place depuis plusieurs décennies un mécanisme original : accepter des meules de Parmigiano Reggiano comme **gage** pour des prêts accordés aux producteurs laitiers.
Concrètement, les producteurs remettent tout ou partie de leur stock de meules à venir — ou déjà affinées — en garantie. La banque les stocke, les suit et en cas de défaut peut les revendre.
Pourquoi cela fonctionne‑t‑il ?
Plusieurs éléments rendent ce système viable
Le Parmigiano Reggiano est un produit à **indication géographique protégée (IGP/DOP)**, fabriqué dans une zone bien définie et selon un cahier des charges strict.
Le fromâge dure de 12 à 36 mois, ce qui signifie que les meules vieillissent et prennent en valeur avant d’être vendues. La banque saisit alors un actif dont la valeur peut s’accroître.
Les producteurs ont un besoin de **liquidités intermédiaires** : coût du lait, fonctionnement des moulages, maturation… Le gage permet de lever des fonds sans attendre la vente.
Pour la banque, l’actif est tangible, localisé, et relativement bien maîtrisé (stockage contrôlé, traçabilité). Cela réduit le risque comparé à des garanties plus volatiles.
Quelques chiffres et exemples
Selon une étude, Credito Emiliano détenait des entrepôts pouvant accueillir jusqu’à **440 000 roues** de Parmigiano‑Reggiano dans ses installations dédiées.
La banque propose des prêts représentant typiquement **70 % à 80 % de la valeur marchande** de la meule/gage, afin de couvrir les risques liés à la qualité, à la conservation ou à une variation du prix.
Plus récemment, autre exemple dans le secteur : Intesa Sanpaolo a lancé un dispositif de « revolving pledge » (gage renouvelable) pour les entreprises adhérentes au Consorzio del Parmigiano Reggiano, avec une ligne dédiée de **100 millions d’euros** pour dégager des liquidités via des meules en maturation comme garantie.
Les risques & défis
Cependant, ce système n’est pas sans défis
La **conservation** des meules est cruciale : elles doivent être stockées dans des conditions stables (température, humidité) afin de ne pas perdre en qualité — car une meule abîmée vaut bien moins.
La valeur du marché peut fluctuer (demande export, concurrence, contrefaçons) ce qui introduit un élément de risque pour la banque.
En cas de défaut de l’emprunteur, la reprise du stock par la banque est possible, mais sa revente nécessitera un marché actif (acheteurs, logistique, conformité DOP).
Le mécanisme est probablement réservé aux producteurs déjà établis, capables de livrer des meules conformes et d’assurer leur maturation : ce n’est pas un prêt grand public.
Impacts et portée symbolique
Cette pratique revêt une double portée :
* **Économique** : elle illustre une forme innovante de financement agricole/ agroalimentaire, où l’actif est le produit lui‑même (et non pas uniquement la terre ou le matériel).
**Symbolique** : le fait qu’un fromage emblématique italien soit utilisé comme garantie bancaire donne un bel exemple d’“actif immatériel matérialisé” — patrimoine gastronomique, culturel et territorial.
Elle peut également servir de modèle pour d’autres produits dénomination protégée (vins, jambons, etc.) où le stockage, la traçabilité et la valorisation jouent un rôle.
En conclusion
La banque nationale ou locale du Parmigiano Reggiano n’est pas une fantasy : elle est bel et bien incarnée par des institutions comme Credito Emiliano, qui accepte depuis les années 1950 les meules de Parmigiano Reggiano en gage pour des prêts.
Ce mécanisme mêle tradition, terroir, innovation financière et soutien à la filière laitière locale. Une belle preuve que les actifs peuvent parfois venir… d’une cave d’affinage.
Info LM